48ème et 159ème. Ce sont les rangs qu?occupe le Mali respectivement sur le plan africain et mondial dans le classement des pays où il fait bon être femme, selon le « Women Peace and Security index », réalisé par l?Institut Georgetown pour les femmes, la paix et la sécurité, en partenariat avec National Geographic, publié le 15 octobre 2019. L?inclusion des femmes, l?un des principaux critères d?évaluation des pays sur lesquels se base le rapport, est à la traine au Mali. Même si des efforts sont déployés pour inverser la tendance, on est encore loin du compte.
À l?instar des autres pays du monde, le Mali a adopté la majorité des conventions internationales visant à promouvoir l?égalité des sexes. Le pays n?est pas resté en marge de la lutte contre toutes les formes de discriminations à l?égard des femmes. Appuyées par le gouvernement, avec des projets et programmes financés avec ses partenaires, les organisations de femmes du Mali sont fortement engagées dans ce combat.
Mais, malgré ces efforts, force est de constater que peu de place est accordée aux femmes maliennes dans la gestion des affaires publiques. En dépit de l'égalité en droit du travail et d'accès à l?administration publique malienne, les femmes ne représentaient que 28,38% des fonctionnaires en 2011, selon la Cellule de planification statistique de l?INSTAT, avec une prédominance dans les secteurs sociaux.
Le Mali ne comptait qu?un préfet femme en 2011, six femmes sous-préfets en 2011 et 2012 et cinq femmes sous-préfets en 2013. De 2011 à 2013, sur 3 582 postes nominatifs, les femmes n?en occupaient que 378, 10,55% en 2011, 11,78% en 2012 et 11,67% en 2013.
Faible inclusion politique et économique
Elles sont seulement 9% des députés et aucune femme n?a jamais présidé l?Assemblée nationale du Mali. Elles ne dépassent pas 1% de l?ensemble des maires du pays. Et, dans le gouvernement actuel, 9 portefeuilles sur 38 sont détenus par des femmes, en dépit de la loi N°052 du 18 décembre 2015, qui stipule qu?à « l?occasion des nominations dans les Institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l?un ou de l?autre sexe ne doit pas être inférieure à 30% ».
« Pour réussir en politique, les femmes doivent s?appuyer sur le soutien de la famille, la contribution du parti politique, le soutien des membres du groupement, les activités de formation et d?information des partenaires techniques », déclare Mme Maiga Oumou Dembélé, Porte-parole du Cadre de concertation des femmes des partis politiques du Mali.
Selon l?Enquête permanente auprès des ménages (EPAM), réalisée en 2007 et qui a contribué à l?élaboration d?un « Plan National Genre » en 2011, 70% des femmes actives occupées avaient un revenu inférieur au SMIG contre 30% pour les hommes. En milieu rural, 74% des femmes avaient un revenu de 29 000 FCFA, contre 60% dans les villes et 52% à Bamako.
Selon la même source, 1,7% de femmes ne gagnait rien en termes de revenu à Bamako, 11,6% dans les autres villes et 10% en milieu rural, contre respectivement 2,1%, 10,9% et 8,8% chez les hommes.
À en croire le Bureau des soldes du ministère de la Fonction publique, en 2006 le salaire brut annuel des hommes dans la fonction publique était supérieur à celui des femmes : 86 838 466 452 FCFA contre 18 852 752 820 FCFA, soit un écart de 78%. Il serait principalement dû à la faible présence des femmes dans la fonction publique, où elles ne sont que 26%.
Dans le secteur privé, la situation de la femme malienne est aussi assez précaire, car 47,9% d?entre elles déclaraient en 2006 ne percevoir aucune forme de rémunération et seulement 4,6% avaient un emploi régulier, selon l?EPAM. Sur l?ensemble des emplois déclarés en 2006, seuls 7,32% étaient occupés par des femmes. Selon l?ANPE, sur la même période, 17,72% seulement étaient demandeuses d?emploi, ce qui démontre que les femmes sont toujours défavorisées en matière d?accès à l?emploi.
Causes multiples
La faible représentation des Maliennes aux postes de décision peut s?expliquer par plusieurs facteurs. Selon le rapport sur la représentativité des hommes et des femmes dans les instances nominatives de l?administration publique, datant de juillet 2015, l?explication de cette sous représentation tiendrait surtout à la persistance de représentations sociales très largement diffusées, qui rendent l?engagement politique et administratif au féminin difficile à penser et à admettre pour nombre de citoyens, pour lesquels l?image de la femme reste attachée à l?espace domestique alors que l?administration et la politique sont des activités « viriles ».
L?étude « Stratégie Genre du PNUD Mali 2018 - 2020 », réalisé en juillet 2018, met l?accent sur plusieurs problématiques, comme l?inégalité de situation et de position dans la famille et dans la société qui limite les capacités des femmes et entrave leur participation, l?inégal niveau d?instruction, d?éducation et de qualification, la précarité de la santé de la reproduction des femmes et des adolescentes malgré la forte contribution des femmes à l?économie des ménages et à l?économie de marché.
La faible visibilité du travail des femmes et le faible accès aux bénéfices du développement, la jouissance des droits et l?exercice des devoirs différenciés pour l?homme et la femme au sein de la famille et de la société, malgré l?égalité de droit établie par la Constitution et certains textes, ainsi que la faible prise en compte de la multi-sectoralité du Genre sont également indexées dans l?étude.
« D?une manière générale, dans tous les secteurs, la proportion des femmes est faible. Les secteurs qui accordent le plus de postes aux femmes sont celui de la Santé, du Développement social et de la Promotion de la famille, avec 26,4% en 2015 contre seulement 3,6% du secteur de l?Administration générale. On constate que ce dernier taux est légèrement supérieur à celui de 2014 (26,1%) », lit-on.
Inverser la tendance
« Pour assurer une représentativité effective des femmes, plusieurs facteurs doivent être pris en compte, dont l?adoption de mesures spécifiques Genre. L?image donnée à la femme par la société malienne est peu valorisante et les pesanteurs socioculturelles, toujours présentes, sont des facteurs de démobilisation », estime Mme Maiga Oumou Dembélé.
C?est pourquoi la Politique nationale genre (PNG), principale arme du gouvernement pour rectifier le tir en matière d?inclusion féminine, s?est donnée pour vision de bâtir une société démocratique, garantissant l?épanouissement de toutes les femmes et de tous les hommes, grâce au plein exercice de leurs droits égaux fondamentaux, à une citoyenneté active et participative et à l?accès équitable aux ressources, en vue de faire du Mali un pays émergent.
Elle contient sept principes directeurs, six orientations stratégiques et dix-neuf axes d?intervention, dont la promotion de l?équilibre dans la représentation des femmes et des hommes dans les instances de décision, dans les postes électifs et administratifs au niveau national et dans les représentations du Mali au niveau sous-régional (CEDEAO, UEMOA), régional (UA) et international.
Mais pour réussir une plus grande inclusion des femmes, il faut aller au-delà de mesures « pour la plupart théoriques ». « Il faut un réel changement de mentalités, qu?on arrête de prendre la femme comme faite uniquement pour la maison. Étant donné que nous avons les mêmes droits à l?éducation que les hommes, il faut accepter que les femmes occupent des postes de responsabilité lorsqu?elles atteignent un certain niveau d?instruction », conclut Dr Marie-Thérèse Dansoko, point focal Genre du ministère de la Justice et des droits de l?Homme.
Quelques Chiffres
78% : Écart entre le salaire brut annuel des hommes et des femmes dans la fonction publique en 2006
9 : Nombre de femmes sur les 38 ministres du gouvernement actuel
378 : Nombre de postes nominatifs occupées par les femmes sur un total de 3 582 de 2011 à 2013
29 000 FCFA : Revenu de 74% des femmes en milieu rural en 2007
1,7% : Pourcentage de femmes à Bamako n?ayant gagné aucun revenu en 2007
5 : Nombre de femmes sous-préfets au Mali en 2011
Par Germain KENOUVI
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